Un guide pour sensibiliser à l’islamophobie genrée

L’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed) vient de publier « Report Diversity! », rapport à l’attention des médias sur la hausse des discours islamophobes, dont les cibles principales sont les femmes. Cette étude donne alors des recommandations aux médias européens pour sensibiliser à « l’islamophobie genrée » et éviter de perpétuer des stéréotypes discriminants.

 

En Europe, 93% de l’actualité à propos des personnes musulmanes portaient sur le terrorisme pendant le dernier trimestre de 2021. En parallèle, les discours politiques ne cessent de confondre Islam, extrémisme et terrorisme. Des publications récentes du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe remarquent également une hausse de l’islamophobie, de l’antisémitisme, ainsi que de différents crimes de haine. Les discours islamophobes et discriminatoires prennent ainsi de plus en plus racine en Europe. Et plus que tout, ce sont les femmes musulmanes, en particulier les femmes voilées, qui en sont les premières cibles. C’est pourquoi l’Institut Européen de la Méditerranée (IEMed) a publié un guide pour alerter sur l’islamophobie dont sont victimes les femmes musulmanes et sensibiliser à leur inclusion dans nos médias. Huit articles issus de médias belges ont d’ailleurs été utilisés et décryptés de ce rapport.

La mise en lumière d’une islamophobie genrée L’islamophobie est le rejet et l’hostilité envers l’Islam, et par extension, envers les musulman·e·s et leur environnement social et culturel. Les femmes musulmanes et les femmes voilées sont particulièrement touchées par ces actes islamophobes. Le rapport parle alors de « gender Islamophobia », soit d’islamophobie genrée. Pour théoriser ces discriminations envers les femmes musulmanes, le rapport s’appuie notamment sur des articles parus dans nos médias belges, francophones et néerlandophones (voir appendix, pp. 25-27). Le rapport pointe du doigt la tendance des journalistes à dépeindre les femmes voilées comme des êtres soumis, victimes de leur religion et des hommes de leur entourage, ou bien les fantassins du djihad en Europe. De plus, les médias ont tendance à utiliser des images stéréotypées de ces femmes pour illustrer des histoires négatives à propos de l’Islam et de la vie des musulman·e·s.

Une rédaction diversifiée pour une info plus juste

Or, selon l’IEMed, ces stéréotypes, en plus d’être mensongers, perpétuent les actes sexistes et racistes dont les femmes musulmanes sont victimes. Si les médias peuvent perpétuer des idées reçues, voire pire, inciter à la haine, ils peuvent aussi éduquer. Aidan White, Mariam El Marakeshy et Shada Islam, les trois journalistes à l’origine du rapport de l’IEMed, considèrent que les journalistes et les entreprises médiatiques ont un rôle vital à jouer en traitant convenablement des réalités de cette injustice sociale, de ces discriminations et de cette islamophobie. Les auteur·rice·s du rapport proposent alors plusieurs recommandations aux journalistes et aux médias, afin de traiter au mieux ces thématiques. L’étude aborde notamment l’avantage de recruter des journalistes issu·e·s de la diversité d’origine – en particulier ici, issu·e·s de la culture musulmane. D’après l’étude, il faut créer des opportunités pour les femmes musulmanes de rejoindre les rédactions, en appliquant une politique tolérante au sein de celles-ci. Par exemple, ne pas imposer de code vestimentaire permet aux femmes portant le voile d’accéder à des postes plus facilement. L’IEMed insiste donc sur l’importance de la diversité dans le travail éditorial. De leur côté, les journalistes non issu·e·s de la diversité d’origine doivent être prudent·e·s dans leur traitement de l’information. Ils·elles doivent éviter de répéter les idées reçues et les stéréotypes islamophobes : il faut donner la parole aux personnes musulmanes, que les femmes voilées soient interviewées pour rapporter des histoires positives, et cesser de les caricaturer comme des victimes d’une culture oppressive.

 

Recommandations à l’intention des entreprises médiatiques, pour un traitement plus juste et plus diversifié de l’information :

  1. Penser à ses propres biais de perceptions et ceux dans son travail éditorial. Ne pas faire d’hypothèses non vérifiées à propos des musulman·e·s et de l’Islam ;
  2. Éviter les généralisations et ne pas attribuer l’action d’une personne à toute la communauté musulmane. Faire des recherches, replacer dans le contexte, et garder à l’esprit que les musulman.e.s ont des origines ethniques, culturelles et géographiques différentes ;
  3. Être inclusif·ve et s’assurer que les personnes concernées ont été interviewées et correctement citées ;
  4. Utiliser des sources fiables et s’adresser à des expert·e·s spécialisé·e·s dans cette thématique et ces communautés ;
  5. Éviter les stéréotypes et les discours de haine ;
  6. Ne pas faire de titres trompeurs ni sensationnels, qui renforcent les stéréotypes ;
  7. Rester pertinent·e : s’assurer que toutes les références à l’ethnie, la religion, les origines, sont pertinentes pour le reportage ;
  8. Les illustrations peuvent être trompeuses : éviter d’utiliser des images qui reflètent des stéréotypes et déforment l’histoire ;
  9. Veiller à inclure la vision des femmes dans les reportages car les intervenants masculins sont majoritaires ;
  10. Attention et sensibilité : les journalistes ont le devoir éthique et déontologique de protéger leurs sources et leurs sujets. Être consciencieux·se dans la récolte des informations, particulièrement quand il s’agit d’information à propos d’un groupe minorisé, vulnérable.

 

Consultez "Report Diversity! Guidelines to Train Media Circles on Inclusiveness and Preventing Gender Islamophobia" (anglais) >> ici <<