Œuvrer pour l'égalité des genres dans les rubriques sportives

L’été 2024 sera un été sportif ! Or, le milieu du sport reste un bastion masculin. Plusieurs analyses le montrent : en termes de genre, le sport est la rubrique la plus inégalitaire car elle invisibilise les femmes, tant journalistes qu’athlètes ou intervenantes. 

Afin d’en finir avec les stéréotypes de genres, il paraissait important pour l’AJP de rappeler l’importance d’un traitement médiatique du sport non sexiste, ainsi que d’encourager l’inclusion et la présence des femmes dans cette rubrique. Il en va de la responsabilité sociale et démocratique de nos médias d’information. 

 

Les femmes écartées des contenus sportifs 

Le traitement médiatique des sportifs et sportives est différent : les résultats des équipes sportives féminines sont souvent relayés en fin d’articles, en brèves, et ne mentionnent que rarement les noms des joueuses. Selon notre Étude de la diversité et de la diversité dans la presse quotidienne (AJP, 2024), les pages sportives ne contiennent que 8,36% d’intervenantes féminines. Un pourcentage très faible, mais qui est pourtant en légère amélioration par rapport à nos données de 2018 (5,92%)[1].

De plus, les femmes dans les thématiques sportives sont moins identifiées, avec 18,55% d’intervenantes dont on ne cote ni le nom, ni le prénom, ni le surnom, ni la profession ; alors que ce n’est le cas que de 6,69% des hommes. 26 des 46 intervenantes qui n’ont aucune mention sont des groupes non individualisés, ou bien sont dénommées par des expressions telles que « la maman de… » ou « la supportrice ». La mention de la profession uniquement, relativement faible, est proportionnellement moins présente chez les femmes que chez les hommes/ Elles sont alors simplement dénommées en tant que « l’ancienne joueuse », « danseuse », ou encore « la jeune sprinteuse »

Enfin, comme dans nos études précédentes, les équipes féminines bénéficient moins souvent de comptes-rendus complets où l’on mentionne les joueuses, ce qui a joué un rôle dans l’identification des intervenantes. 

Parallèlement, selon le Baromètre Diversité & Égalité du CSA (CSA, 2021), on retrouve 16,77% de femmes dans les programmes sportifs. Malgré une augmentation depuis leur baromètre de 2017, « les femmes restent majoritairement exclues de l’actualité sportive. »[2] Des résultats toujours plus réjouissants qu’en presse écrite. De plus, parmi toutes les femmes journalistes-animatrices au sein des différents sous-genres de programme en 2021, 1,35% d’entre elles sont dans un magazine sportif et 0,38% à la retransmission sportive[3].

 

Les femmes journalistes recalées à l’entrée des rédactions sportives 

Par ailleurs, les hommes journalistes sont le plus souvent en charge de l’actualité sportive. Dans une autre étude de l’AJP, Être femme et journaliste en Belgique francophone (AJP, 2018), sur les 512 répondant∙es, 33 étaient spécialisé∙es dans la rubrique Sport… dont 6 femmes[4]. L’une des répondantes témoigne : elle doit constamment prouver ses compétences et connaissances en sport, comme s’il était anormal pour une femme d’apprécier le sport[5]. Notre prochaine étude, encore à paraître, semble démontrer des résultats similaires. 

Peu de femmes parviennent à entrer dans les rédactions sportives. Et lorsque c’est le cas, elles sont souvent l’unique femme présente, histoire d’avoir placé une femme dans un univers masculin, comme une caution. On parle alors du Syndrome de la Schtroumpfette[6], ou de « tokénisme »[7]. La journaliste française Marie Portolano a consacré tout un essai à la question. Dans Je suis la femme du plateau (Stock, 2024), elle raconte les violences sexistes organisées qui persistent à l’égard des femmes journalistes et la difficulté de se construire professionnellement dans un milieu qui essentialise les femmes journalistes.

 

Comment encourager la participation des femmes à tous les niveaux ?
  • Bannir les clichés sexistes et discriminants des commentaires sportifs envers les sportives ; mais également envers les femmes journalistes qui n’y comprendraient rien au sport en raison de leur genre. 
  • Condamner les agressions sexistes dont peuvent être victimes les femmes journalistes lors de la couverture d’événements sportifs. 
  • Visibiliser les femmes athlètes dans l’agenda sportif classique, et non uniquement dans les compétitions de renom. La montée en puissance du « sport féminin » doit se faire en parallèle du sport masculin.
  • Mettre en avant les sports considérés comme féminins, ainsi que les jeunes talents souvent invisibilisés. 
  • Ne pas parler uniquement des sportives de haut niveau, comme s’il fallait mériter l’espace médiatique. 
  • Ne pas ramener constamment les femmes athlètes à leur corps, leur tenue de sport, leur féminité, leur orientation sexuelle supposée. 
  • Identifier correctement toutes les intervenantes, au même titre que n’importe quel intervenant masculin. 
  • Éviter les comparaisons systématiques des femmes athlètes à des hommes (« C’est la Kevin De Bruyne au féminin ! »)
  • Éviter les phénomènes de cooptation dans les rédactions sportives. 

 

Ces recommandations ne sont évidemment pas exhaustives ! Il est grand temps de changer la représentation du sport, qui depuis 10 ans, montre 9 hommes pour 1 femme dans les colonnes des journaux. Si nos quotidiens ont récemment mis à l’honneur des sportives à l’occasion des épreuves qualificatives des Jeux Olympiques 2024, il faudrait qu’il en soit de même dans l’info de routine sans attendre les événements sportifs importants. L’AJP est à la disposition des rédactions sportives pour en discuter et pour travailler ensemble sur une plus grande visibilité des femmes dans l’information sportive. 

 

Expertalia a d'ailleurs sélectionné trois expert⸱es de sa base de données, pour répondre à vos questions. Leurs profils sont épinglés sur la page d'accueil de notre site.

 

[1] AJP, 2024, Étude de la diversité et de l’égalité dans la presse quotidienne belge francophone, p. 15 https://www.ajp.be/wp-content/uploads/2024/03/diversite-2022SiteLight.pdf

[2] CSA, 2021, Baromètre Diversité & Égalité – 10 ans, p. 24-25 https://www.csa.be/wp-content/uploads/2023/10/CSA_barometre-10ANS-2023-WEB.pdf

[3] Ibid., tableau 17, p. 35 

[4] AJP, 2018, Être femme et journaliste en Belgique francophone, p. 35 https://www.ajp.be/telechargements/JournalistesFemmes/l-etude.pdf 

[5] Ibid., p. 108 

[6] RTBF (2023), Le Syndrome de la Schtroumpfette au cinéma et à la télévision https://www.rtbf.be/article/le-syndrome-de-la-schtroumpfette-au-cinema-et-a-la-television-11138934

[7] Radio-Canada (2019), Le tokénisme : qu’est-ce que c’est ? https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/sur-le-vif/segments/entrevue/138453/tokenisme-soukaina-boutiyeb-jeton-immigration-jeune-femme-discrimination-inclusivite